DOD selon Claude Dautrey | poète du massif des Ecrins

Rencontre avec un vagabond des cimes

Comme souvent avec les êtres hors du commun, leur rencontre laisse un sentiment inverse, celui d’un échange dans la simplicité, dans l’évidence d’une sincérité immédiate et limpide…comme s’il ne pouvait en être autrement.

Pour cet alpiniste généreux qu’est Lionel DAUDET, dit DOD, c’est immédiat et fort, bien au-delà des conventions au combien dépassées pour celui qui va écrire, à sa manière, une nouvelle relation aux montagnes du monde.

Il en fixe d’abord les règles comme autant de défis à l’exigence extrême, tant au plan physique que mental.

Les termes en sont simples, autonomie, le tracé le plus pur dans le respect de l’environnement naturel et humain.

Dans la réalité cela signifie des approches longues, des portages exigeants, un engagement total sans l’appui d’hélicoptères, ni le secours d’aucuns moyens de liaison.

Une porte qui se ferme sur son départ, une autre qui s’ouvre totalement pour l’aventure extrême, dans un voyage intérieur qui réclame l’abandon de tout lien, de toute amarre pour se donner à une expérience pleine et entière, pour se connaître. Expérimenter la liberté dans ses vraies dimensions combien exigeantes, qui modèlent à jamais un corps, un esprit, amputant l’un, forgeant l’autre, pour une quête de soi absolue: pensée, vécue, accomplie.

Fils d’une famille d’instituteurs à Saumur, rien ne présageait une telle passion pour les montagnes et leur parcours, si ce n’est la bibliothèque familiale qui regorge de livres de voyages et d’alpinisme, si ce n’est encore les grandes vacances passées très tôt en montagne à randonner et s’émerveiller en famille de l’audace des sommets, si ce n’est enfin la section du club alpin local, très volontaire, comme le sont souvent les clubs de départements de plaine.

Après le bac, les études de maths/physique alternent avec l’escalade pratiquée à haut niveau.

Dod fait le choix de l’alpinisme. Sa vie sera sa liberté , la gagner consistera à grimper , à vivre son art à l’exercer, à être alpiniste professionnel.

DOD a 23 ans, il a rencontré Véro, sa compagne, tous deux rêvent d’aventures et de grands voyages. Bien plus qu’avoir un métier, il s’agit de vivre leur philosophie de la vie.

DOD en accepte les dénominations incertaines : « grimpeur vagabond »,« aventurier immergé «, « étonnant voyageur », étonné voyageur plutôt, aux curiosités infinies. Dès lors DOD va enchaîner tour du monde et ascensions originales, souvent dans des lieux lointains avec des approches exigeantes, à la boussole plus qu’à la carte, toujours avec une recherche de la ligne la plus directe, la plus esthétique et la plus pure. Les longs temps d’approche s’accordent à son goût de l’autonomie et l’absence d’assistance préside à ces grands périples singuliers et leurs grandes ascensions.

Après le tour du monde, le grand voyage Nord Sud et l’ascension de grandes parois au monde.

Ascensions la plupart du temps en solo qui imposent de rester dans le vide pendant des jours et conduit à un « lâcher prise », un abandon qui ouvre sur un nouvel état d’esprit.

Pour un accomplissement de cette quête, Lionel s’engage en 2002 dans l’enchaînement des trois grandes faces Nord des Alpes : Jorasses, Cervin, Eiger. Ascensions hivernales en solitaire des directissimes les plus engagées des Alpes.

Après les Jorasses, il va connaître un emprisonnement hivernal terrible, dans le Cervin, le froid, la neige et le mauvais temps, neuf jours durant sans progression possible ont raison de ses pieds. Il parvient à se sauver, mais ne sauvera pas ses orteils. Lente convalescence, lendemains incertains et écriture du magnifique et profond « Montagne intérieure » lui ouvrent une voie supplémentaire.

Deux ans plus tard, Dod repart sur le chemin des cimes, imagine de nouvelles formes d’expédition. Elargir les champs, favoriser l’alliance des éléments et des pratiques, décloisonner les mondes de l’aventure de la découverte des mers et des montagnes lointaines, tel sont les expés mer-montagnes avec Isabelle Autissier, en Géorgie du Sud ou sur le continent Antarctique, synthèse de l’Atlantique et des glaces vierges du Pôle Sud. C’est désormais dans ces grands périples rassembleurs que DOD souhaite s’engager dans le très loin comme dans le tout proche. C’est ainsi que Lionel a aussi entamé en 2004 la skyline, la ligne de crête de tout le massif des Ecrins. Son projet : ouvrir la porte de chez lui et partir pour le parcours le plus exigeant, ne redescendant qu'un minimum de fois durant 60 jours, avec le seul appui d’amis pour compagnons de cordée et pour les ravitaillements, des dépôts préalables effectués aux rares points clés accessibles.

Toujours cette défense et illustration de l’aventure, dans l’exigence, l’éthique et le tracé les plus purs.

La durée qui fédère, la belle idée qui rassemble voilà à quoi réfléchit Dod ; concept concrétisé de nouveau en 2007 par l'arête haut alpine: suivre le tracé exact de la frontière du département des Hautes-Alpes pour abolir les limites, pour se tenir au plus haut du spirituel et de l’humain.

Aventurier global, sur la route des hauteurs, toujours.